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Mahi Binebine : "Des rêves à l'eau"

L’idée d’écrire un livre sur l’immigration clandestine m’est venue un peu par hasard. A cette époque, 1996, je vivais à New York, loin du détroit de Gibraltar, de Lampedusa et autres îles Canaries. En feuilletant la presse américaine, il m’arrivait de tomber sur tel ou tel papier relatant les tentatives des mexicains à forcer les frontières de l’Oncle Sam. La manière dont ceux-ci s’y prenaient me faisait rire : Quelques centaines de personnes se donnent rendez-vous la nuit à un point précis de la frontière, non loin d’une grande ville et se mettent à courir simultanément en direction du territoire Yankee. Une authentique invasion de sauterelles contre laquelle policiers et douaniers n’y attrapent que du feu. Dix, vingt, cent personnes sont arrêtées, mais les autres s’évanouissent illico dans la nature, s’en allant grossir les 10 millions de clandestins qui travaillent pour la plupart dans le bâtiment, l’agriculture et la restauration. Ces clandestins ne le sont pas pour le IRS, le fisc américain qui ne leur réclame pas de Green Card pour s’acquitter de leurs impôts. En résumé, ceux qu’on attrape sont reconduits à la frontière et les autres finissent par faire leur nid ici ou là dans le vaste empire fortuné. Les hommes sont comme les oiseaux, ils vont là où l’air est le mieux respirable.


Un jour, je suis tombé sur un article dans le journal français « Libération » où l’on parlait d’une affaire similaire qui se déroulait chez moi cette fois-ci, au Maroc, et tout près sur les côtes ibériques. Contrairement aux mexicains, les candidats africains à l’émigration meurent beaucoup. Des statistiques fiables avancent un chiffre qui donne des frissons : Trois morts par jour sur les dix dernières années. Tous les jours que Dieu fait, de jeunes cadavres sont rejetés par la mer sur le sable fin de nos plages (ça fait désordre pour le tourisme). Des corps gonflés d’eau, rongés par les poissons, lancés à la mer par des passeurs affolés à l’approche des vedettes de surveillance ou issus du naufrage des pateras. En lisant d’autres articles sur le sujet, j’ai eu souvent l’impression que les êtres dont on parlait étaient réduits à des ombres, des chiffres, des spectres anonymes. Je me suis alors lancé dans l’aventure donquichottesque de leur donner des noms, des visages, des identités. C’est ainsi qu’est née l’idée d’écrire « Cannibales» (« La Patera » dans l’édition espagnole) J’aurai pu en faire un essai tant j’ai rencontré de prétendants au paradis (ou à l’enfer, c’est selon). Une armada de désoeuvrés dont les œillères, faites d’antennes paraboliques, ne leur donnent à voir qu’un flot ininterrompu d’images alléchantes, souvent pornographiques, images d’un monde meilleur, forcément, un monde libre, beau, riche. Leur discours est le même. En voici quelques extraits : « Ecoute, cette traversée est celle de la dernière chance. C’est la dernière frontière entre l’enfer et un monde prétendument meilleur. Ceux qui tentent de franchir cette limite savent à quoi s’attendre. C’est un jeu ; celui de la vie et de la mort… » Ou encore : « J’ai tenté la patera trois fois, une arrestation et deux naufrages, dont six mort, et j’essaierai encore. Si je meurs, je serai un martyr économique ! Tout cela, je le fais pour nourrir ma famille. »

Mais pas seulement. Beaucoup veulent partir pour partir. Pour ne plus rester. Partir parce qu’ils ne rêvent plus chez eux. Parce qu’un sentiment d’enfermement les oppresse depuis la création de l’espace Schengen et la réduction drastique des visas qui s’en est suivie. Et ils partiront, encore et encore, car on ne pourra pas mettre du fil barbelé autour de l’Europe. Car il y aura toujours des rapaces mafieux parfaitement organisés des deux côtés de la frontière pour leur sucer le sang (lequel sang est aussi un carburant indispensable pour les économies occidentales) Oui, ils partiront parce que la lutte contre l’immigration clandestine ne doit pas se faire sur les frontières, mais dans les lieux et les pensées des immigrants clandestins ; elle doit s’opérer dans le cadre de la coopération Nord-Sud basée sur un dialogue équilibré, et non pas reposer sur un monologue du Nord. Il faut une politique et non une police d’immigration. Le Sud ne doit pas être contraint à la mendicité.

Mais tous les africains ne veulent pas impérativement partir. Certains se résignent à regarder avec dignité les immigrés légaux rentrer au pays pendant l’été. Les voitures bondées d’objets mystérieux couverts de bâches font briller leurs yeux, mais ils le montrent à peine. Morad fait partie de ceux-là.

Tous les soirs, ce petit frisé au visage poupin se pointe devant le consulat de Fance - Un bel édifice d’architecture coloniale- et y passe la nuit ; le lendemain, il vend sa place aux demandeurs de visas. Les prix varient selon la longueur de la file et les aléas de la météo : les jours de pluie, ils augmentent de façon sensible. Mais les affaires fleurissent surtout à l’approche des vacances scolaires. Si, en plus, une petite bombe venait à éclater quelque part en Europe, les places à la porte du paradis atteignent alors des records. Morad a essuyé trois refus à ses demandes de visa ; en revanche, il a trouvé un job. Et il s’en tire plutôt bien. Il peut réciter par le menu la longue liste des papiers requis pour le précieux document. Mieux, il vend toutes sortes de tuyaux pour obtenir les certificats, les mille et une preuves de sa bonne foi, les contacts utiles pour la contrefaçon, enfin, le business ordinaire autour d’un rêve, somme toute…ordinaire.


Texte de Mahi Binebine pour le journal La Croix - 2009
 vendredi 16 octobre 2009

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