Chapitre 1
« La qualité et la pertinence des apprentissages
La question épineuse de la langue
La problématique de la langue est en soi un véritable boulet pour la nation marocaine et sa personnalité. Son impact, en toute logique, sur la qualité et la pertinence des apprentissages est l’une des pierres d’achoppement, et non des moindres, du système éducatif du Royaume. C’est un cauchemar pour les apprenants qui slaloment entre les langues dans les différents cursus, ce qui a sans doute inspiré l’ouvrage tragiquement ironique de Abdelfattah KILITO, Je parle toutes les langues mais en arabe, publié en mars 2013.
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Dans son discours du mois d’août 2013, SM le Roi Mohammed VI pointe du doigt la pertinence du choix de l’arabisation et dénonce ainsi le problème de la cohérence dans les langues d’apprentissage : « Ces écueils sont imputables également aux dysfonctionnements consécutifs au changement de la langue d’enseignement dans les matières scientifiques. Ainsi, l’on passe de l’arabe, aux niveaux primaire et secondaire, à certaines langues étrangères dans les branches techniques et l’Enseignement supérieur. Ce changement implique, à l’évidence, l’impératif d’une mise à niveau linguistique de l’élève ou de l’étudiant, pour qu’il puisse suivre utilement la formation qui lui est dispensée ».
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Sa Majesté nomme Omar AZZIMAN président du Conseil Supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche Scientifique |
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« Le problème est de taille puisque ces langues, ou langages, ou «parlers», sont extrêmement différents et culturellement éloignés les uns des autres. Or la maitrise de la langue d’enseignement est vitale pour l’acquisition des savoirs et savoirs faire. Il n’est pas étonnant dès lors que les élèves soient ainsi en difficulté dès le primaire, et que les échecs s’enchaînent : forts taux de redoublement qui entraînent à leur tour l’abandon scolaire.
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Et, cerise sur le gâteau si l’on peut dire, la langue d’enseignement change selon les niveaux. L’enseignement primaire et secondaire est dispensé en arabe (lequel : la « darija », l’arabe littéraire, l’arabe des discours officiels ?) alors que l’enseignement supérieur scientifique, les études sanitaires, les grandes écoles et la formation des cadres du Ministère de l’Education Nationale (MEN) est en français. Soumia MOULOUK ne comprend pas « que les cours continuent à être dispensés en français alors que la langue officielle du pays est l’arabe ». Il apparaît en effet absolument kafkaïen, non seulement pour le système éducatif, mais aussi pour la personnalité même de la nation marocaine, de perdurer dans ce type de fonctionnement handicapant très fortement et sur le long terme le développement du pays.»
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« Les réformes
Charte Nationale de l’Education et de la Formation(CNEF)
Face à tant d’handicaps et de faiblesses et au vu de l’importance de leur impact sur la paix sociale et économique du pays, le gouvernement a lancé de nombreuses réformes profondes. L’une des réformes phares est mise en œuvre dès 1999 avec l’adoption d’une charte nationale de l’éducation et de la formation (CNEF). Cette charte met au point des objectifs éducatifs devant permettre au Maroc, via la réforme du système, de trouver la paix sociale et économique, non seulement à l’échelon national, mais également à l’international, afin de faire face aux défis de la mondialisation.
Cette charte formule des objectifs quantitatifs et qualitatifs, civiques, sociaux, hygiéniques, à moyen et long termes.
Objectifs quantitatifs :
• Réduire le taux d’analphabétisme à moins de 20% à l’horizon 2010.
• Éradiquer de manière quasi-totale le phénomène en 2015.
• Résorber le taux d’analphabétisme à moins de 10% à l’horizon 2010 chez la population active.
• Garantir l’éducation pour tous les enfants non scolarisés ou déscolarisés à l’horizon 2010.
Objectifs qualitatifs :
• Acquérir les compétences en lecture, écriture et calcul.
• Acquérir les compétences de base prioritaires pour les enfants non scolarisés et déscolarisés.
• Prendre conscience de l’importance de la connaissance et de l’apprentissage dans l’environnement quotidien.
• Consolider la confiance en soi et le désir d’apprendre pour participer activement à l’effort de développement. »
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Chapitre 2 :
« Un partenariat euro-méditerranéen.
La coopération éducative entre l’UE et le Maroc s’est construite à travers différents partenariats à l’échelle méditerranéenne, notamment avec la création du partenariat euro-méditerranéen. C’est aux Conseils européens de Lisbonne (juin 1992), Corfou (Juin 1994) et Essen (Décembre 1994) que l’Union européenne a adopté sa nouvelle politique méditerranéenne.
Le partenariat euro-méditerranéen, lancé d’abord par la Déclaration de Barcelone à la conférence ministérielle euro-méditerranéenne des 27 et 28 novembre 1995, a été créé ensuite à l’initiative de l’Union Européenne (UE) et de dix Etats méditerranéens : Maroc, Algérie, Tunisie, Turquie, Autorité Palestinienne, Israël, Egypte, Jordanie, Liban, Syrie. L’ objectif principal de ce partenariat est la paix, et notamment le rapprochement des deux rives dont le Maroc et l’Union Européenne. La coopération éducative est un aspect important du partenariat puisqu’il vise également à accélérer le développement économique et social, améliorer les conditions de vie des populations de ces pays par la réduction de l’écart de prospérité entre le Nord et le Sud, et promouvoir enfin la coopération et l’intégration régionale."
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« Les Chaires de l’UNESCO
Présentes au Maroc, elles constituent un vecteur de cette coopération. En effet le Programme UNITWIN /Chaires UNESCO permet au Royaume de coopérer avec l’UNESCO à travers un réseau international d’Universités pour améliorer les connaissances et renforcer les capacités. Ces établissements supérieurs constituent un pont entre l’enseignement supérieur dans le monde. Leur présence au Maroc permet au pays de s’inscrire dans une dynamique de coopération universitaire. Une chaire UNESCO d’éducation des adultes et d’alphabétisation, établie en 2001 existe par exemple à l’Université Mohammed V de Souissi à Rabat, une autre pour la culture de la paix, est créée en 1999 à l’Université Mohammed 1er à Oujda. »
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Chapitre 3
« Edward HALL précise qu’il existe deux groupes de cultures, à contexte fort ou faible, caractérisés par un certain nombre de comportements culturels. Le Maroc serait, selon ce classement, un pays de culture à contexte fort marqué par une gestion « polychronique » du temps. Cela consiste à considérer davantage le temps comme un point plutôt qu’une ligne. Au Royaume chérifien on aurait ainsi tendance à découper le temps plutôt que le répartir. Pour prendre quelques exemples caricaturaux mais tout de même bien réels, lorsqu’on se présente chez un boutiquier pour acheter un paquet de thé, un litre d’huile ou un kilo de sucre, on constate qu’il n’y a pas de queue pour attendre son tour d’être servi. Tous les clients veulent être servis les premiers. Le commerçant rend donc la monnaie à un client, prend la commande d’un deuxième, sert un troisième qui vient d’arriver derrière des clients qui attendent, donne des ordres à son aide au fond de la boutique et crie au loin à quelqu’un pour lui donner rendez-vous dans une heure : tout cela en même temps. Résultat : personne n’est servi correctement. Pire : cela peut déboucher sur des disputes qui finissent parfois au commissariat. On constate le même phénomène aux feux de signalisation routière : dès que le feu passe au rouge chez les uns, et avant même que le feu vert ne s’allume pour les autres qui attendent, les automobilistes sont harcelés par les klaxons pour leur signifier d’avancer afin de laisser passer, même si le feu est encore au rouge. A la sortie des mosquées, c’est pareil : certains, très nombreux, veulent sortir les premiers en même temps. Une fois à l’extérieur, on retrouve la situation des feux de signalisations et l’anarchie. »
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« François BUISSON rapporte également des scènes vécues dans son expérience professionnelle : « Nous nous sommes rendu compte que la tendance au Maroc c’était de vouloir tout de suite apprendre à lire, à compter, et de tout savoir. Les gens n’étaient pas conscients que l’enfant devait d’abord se développer par le jeu. Donc on a introduit l’aspect ludique, ce qui a été difficile car dans la mentalité marocaine, l’enfant ne doit pas jouer mais il doit apprendre des choses intellectuelles, valorisantes, et les gens avaient du mal à comprendre pourquoi les enfants jouaient à l’école. Donc il a fallu expliquer aux parents que quand on est enfant, on ne peut pas apprendre par la voie intellectuelle mais par le jeu. Donc on a mis du temps, plusieurs années, pour faire comprendre l’importance du jeu. Dans l’école préscolaire privée, le jeu n’intervient pas, les enfants sont assis sagement dès le préscolaire mais la notion d’espace, de gestion de l’espace, de relation entre les enfants dans un espace à travers le jeu n’existe pas dans ces écoles-là». Ceci explique-t-il que, devenus adultes, ces jeunes s’adonnent enfin au jeu lorsqu’ils sont aux responsabilités du pays, grippant ainsi de façon irresponsable le développement de la patrie ? Comment sinon comprendre cette absence de sérieux, de culture de service public, et de conscience professionnelle, et les diagnostics alarmants lancés par SM le Roi en personne, dans plusieurs de ses discours qui pointent les incohérences, les dysfonctionnements et les lenteurs inadmissibles dans la gestion et l’application des programmes des réformes ? Le Roi n’a-t-il pas encore récemment dans son discours du Trône du 30 juillet 2015 fustigé les réformateurs en ces termes : « En outre, Nous appelons à l’élaboration de cette réforme dans le cadre d’un contrat national contraignant, et ce, à travers l’adoption d’une loi-cadre cernant la vision à long terme et mettant fin à l’interminable cercle vicieux de la réforme de la réforme » ? »
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Sa Majesté Mohammed VI reçoit le rapport du CSEFRS sur la réforme 2015-2030 |
« Les financements
Malgré la complexité du secteur, la coopération éducative du Maroc avec l’UE permet aux deux parties d’en tirer des profits substantiels. S’agissant du Royaume chérifien, le pays bénéficie d’une aide financière conséquente et l’UE est un de ses plus gros bailleurs de fonds. Il est en outre éligible à de nombreux financements européens pour appuyer ses réformes, via des programmes et des instruments, dans le cadre de cette coopération.
Les programmes MEDA
D’un point de vue strictement financier, la coopération éducative euro-marocaine a évolué en même temps que le cadre juridique. Avant l’introduction de la PEV, l’intervention de l’Union européenne était encadrée par les programmes MEDA. Cet instrument a été adopté par le Conseil européen de Cannes qui s’est tenu du 26 au 27 juin 1995. Il intervient pour soutenir les efforts marocains dans la mise en œuvre de sa stratégie de développement. Il finance la coopération éducative et économique puisque l’objectif de ce soutien vise la transition économique, un meilleur équilibre socio-économique, notamment via une amélioration des conditions de vie et une intégration régionale. Le premier programme MEDA (1995-1999) a bénéficié de 3,4milliards € et le second pour la période 2000-2006, a été doté de 5,4 milliards. La coopération euro-marocaine est ainsi la première bénéficiaire de ce programme. Le volet éducatif est le plus financé dans le cadre de ces programmes. En effet, l’Union européenne a accordé dans MEDA I 40% des financements pour l’aide au développement incluant le volet éducation, 30% à l’appui à la transition et au développement du secteur privé, (16%) pour l’ajustement structurel, et enfin 14% pour les projets régionaux. L’appui au volet économique a représenté, selon un autre calcul, 42% des financements, et le renforcement de l’équilibre socio-économique 58%. Domaine transversal, l’Education s’inscrit dans la majorité de ces programmes d’aide. »
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« Un second exemple de projet démontre l’efficacité de cette coopération internationale éducative, avec l’UE notamment. Mathilde LAURENS explique avoir elle-même participé au projet dont les résultats ont amélioré « qualitativement et quantitativement l’éducation au Maroc ». En effet le CIEP (Centre International d’Etudes Pédagogiques), en partenariat avec SOFRECO (Société Française de Réalisation, d’Etudes et de Conseil) et ETM (Éducation et Territoires Maghreb), a mis en place un projet d’évaluation des mesures et de stratégie mises en œuvre dans le cadre du programme d’urgence pour l’éducation au Maroc. Ce projet a été financé par la Commission européenne pour apporter une mission d’assistance technique au ministère de l’Education marocain. L’évaluation a porté sur les mécanismes de scolarisation des élèves, la formation des enseignants, la coopération entre le ministère de l’éducation et les partenaires techniques et financiers au Maroc. Afin de les évaluer, le consortium a fourni des analyses de ces trois thématiques et a mené des enquêtes qualitatives et quantitatives. Des activités de formation ont également été mises en œuvre notamment auprès des cadres du Ministère de l’Education et de la Formation Professionnelle. Ces formations ont eu pour objectif de les former au suivi et à l’évaluation, aux modalités de coordination et à la négociation avec les bailleurs de fonds. Quatre experts, une équipe de huit superviseurs et quatre-vingt enquêteurs ont été dépêchés sur place afin de mener à bien ces formations et évaluations.49 »
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Extrait de la conclusion :
« L’Education est un secteur déterminant pour le développement des peuples. La coopération internationale dans ce domaine peut, et doit, construire et consolider la paix sociale et économique. Il n’en demeure pas moins cependant que certains paramètres mentionnés ci-dessous, que nous appellerons volontiers les dix commandements de l’Education au Maroc, sont incontournables et sans doute perfectibles, et surtout requièrent toute l’attention et l’intérêt des décideurs et des professionnels du secteur :
1. La définition d’une vision claire et à long terme du type d’éducation souhaitée par le Maroc, avec une implication de tous les acteurs, en définissant notamment de manière claire les objectifs à long terme et les moyens pour les mettre en œuvre à plusieurs niveaux ;
…
10. Une plus grande communication auprès de la société civile et de tous les acteurs impliqués dans le processus. De plus, l’interdépendance croissante entre les pays ne laisse pas le choix que de s’intégrer dans ce processus pour permettre à la population de s’intégrer elle-même dans cette dynamique. »
Rita CHAMSDINE
Paris, 30 octobre 2015
Documents officiels du CSEFRS (Conseil Supérieur de l'Education, de la Formation et de la Recherche scientifique).
Pour une Ecole de l'équité, de la qualité et de la promotion :
http://www.csefrs.ma/pdf/Vision_VF_Fr.pdf
Résumé de la Vision stratégique de la réforme 2015-2030 :
http://www.csefrs.ma/pdf/Vision_VF_Fr_%20Resume.pdf
Vidéo (une fois sur le site cliquer sur la photo pour enclencher la vidéo) de la présentation du rapport du Conseil par le président du CSEFRS Omar Azziman, à Sa Majesté Mohammed VI le 20-05-2015 :
http://www.csefrs.ma/Videos.aspx?id=237&vs=4
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