C’est dans cette perspective que l’on peut lire chez chacun de ces philosophes un engagement en vérité, « une volonté de vérité », selon les mots de Michel Foucault. Quelle forme cet engagement prend-il ? Notre recherche s’inscrit dans une optique délibérément non subjectiviste de la connaissance, où l’intelligence scientifique d’un Charles Sanders Peirce, le trésor des pensées d’un Gottlob Frege ou le réseau des intelligibles d’un Averroès sont convoqués en lieu et place de la réflexivité d’un sujet, fût-il transcendantal.
On ne s’étonnera donc pas de voir se relativiser dans ce travail le parti pris subjectiviste de la philosophie moderne. Au « je pense », notre perspective substitue un « ceci est pensé ». Et le médiéval se trouve rejoindre le contemporain.
Relativité du sujet (L’histoire de la notion de sujet dans la philosophie médiévale est traitée par Alin de Libera dans son Archéologie du sujet, parue, en plusieurs tomes chez Vrin), mais non relativité du soi : « le devoir d’humanité » (Montaigne, Essais, L, II, « De la cruauté ») indicatif de toute civilité et de tout processus de civilisation s’est caractérisé chez ces mêmes philosophes par une attention soutenue au corps, la partie la plus fragile de l’homme. Ces philosophes ont su accompagner cet intérêt non seulement d’un raisonnement médical approprié (ils étaient médecins pour la plupart) mais aussi d’un paradigme médical de la connaissance qui s’est illustré dans toutes les formes d’amendement de l’intellect qui vont de la pratique mystique de la méditation aux argumentations les plus serrées de la tradition logique aristotélicienne. Les écrits sur l’hygiène d’Averroès, les propos nutritionnistes d’al-Râzi, les multiples plantes médicamenteuses répertoriées par Avicenne dans son Canon de médecine illustrent ce « souci de soi », indissociable du soin prodigué aux autres et dont l’institution hospitalière -institution arabo-musulmane- est l’emblème majeur.
C’est cet engagement aux multiples dimensions que cet ouvrage se propose d’inscrire en résonance avec notre présent philosophique.
A suivre :
(1) La philosophie arabe : une tradition de l'humanité (chapitre 1)
Ali Benmakhlouf
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