Par Mehdi Thomas ALLAL
29 avril 2015
Une élève de Charleville-Mézières a été exclue pour le port d’une jupe considérée comme islamiquement trop visible. La première erreur (de la principale) a été de considérer que ce signe est d’appartenance religieuse.
29 avril 2015
Une élève de Charleville-Mézières a été exclue pour le port d’une jupe considérée comme islamiquement trop visible. La première erreur (de la principale) a été de considérer que ce signe est d’appartenance religieuse.
L’actualité depuis hier fait rage et tous les médias ont
fini par en parler. Sarah, une jeune fille d’un collège situé à
Charleville-Mézières s’est faite exclure de son établissement à deux reprises
les 16 et 25 avril derniers, parce qu’elle portait «une jupe trop longue»…
Pour (la principale), cette jupe s’analysait comme un signe
«ostentatoire», qu’il convenait de prohiber au sein de l’enceinte de l’école.
Il est vrai que les vêtements, au sens large, à l’école
(jusqu’au lycée, les établissements d’enseignement supérieur étant exclus),
sont devenus de vrais sujets de tension entre des élèves, qui revendiquent de
plus en plus une liberté individuelle, et des enseignants fermement attachés au
principe de laïcité.
LA LOI SUR LES SIGNES OSTENTATOIRES EST-ELLE RÉELLEMENT
APPLICABLE ?
La loi sur les signes religieux dans les écoles publiques
adoptée en 2004 a totalement refondé le Code de l’éducation. Désormais
l’article L.141-5-1 du Code de l’éducation dispose que : «Dans les écoles, les
collèges et les lycées publics, le port de signes ou tenues par lesquels les
élèves manifestent ostensiblement une appartenance religieuse est interdit.»
Ici, à la lecture de l’article, nous pouvons dire que seuls les signes qui
manifestent ostensiblement une appartenance religieuse sont interdits.
La première erreur (donc de la Principale) a été de considérer que ce
signe est d’appartenance religieuse. Manifestement, (la chef) de
l’établissement faisait référence à la tenue longue que portait cette élève, et
la conjuguait avec le fait que cette même élève portait le voile… Il faut
remarquer que l’élève enlevait bien son voile avant d’entrer à l’école, sachant
pertinemment que ce type de signes n'est pas admis au sein des lycées et des
collèges. Mais l’erreur monumentale (de la Principale) dénote une problématique de
représentation. Ce n’est pas contre le voile que (cette Principale) semble se
soulever, mais contre la confession de l’islam même !
La deuxième erreur a été de considérer que ce signe
manifeste ostensiblement l’appartenance de cette élève à une religion en
particulier. Il faut noter qu’en tant que (Principale), elle devrait être fin
connaisseur de la circulaire du 18 mai 2004 relative à la mise en œuvre de la
loi n° 2004-228 du 15 mars 2004 encadrant, en application du principe de
laïcité, le port de signes ou de tenues manifestant une appartenance religieuse
dans les écoles, collèges et lycées publics, laquelle considère comme signes
ostentatoires le voile islamique, la croix ou encore la kippa. Aucune référence
n’est faite à la jupe.
Bien évidemment, nous pensons fermement qu’il s’agit d’une
mesure discriminatoire, attentatoire aux droits de l’homme et prise en
violation des dispositions du Code de l’éducation. Nous croyons fermement que
cette personne pourrait assigner (la Principale) devant le Tribunal administratif,
tant le principe revendiqué à l’appui de la décision semble détourné.
D’autant plus qu’en ignorant les textes fondamentaux sur les
signes religieux, (la Principale) peut également avoir commis une faute
personnelle, et nous souhaiterions qu’une sanction disciplinaire soit
prononcée.
LA LAÏCITÉ, CE N’EST PAS LA NEUTRALISATION DES CULTES
La neutralité de notre espace public et des bâtiments
publics est une mesure qui permet de s’assurer que nul n’est lésé en terre
républicaine. Au fond, l’identité même du Français implique de dissoudre
totalement l’appartenance religieuse et permet le vivre-ensemble. Cette
dissolution n’est bien évidemment pas totale, au risque de détruire toute
diversité inhérente à la République française.
C’est la raison pour laquelle il est dit et répété que la
laïcité ne vise pas à neutraliser les cultes, mais à les protéger. Ces derniers
temps, on assiste à une surconsommation de ce principe, à des emplois
totalement déplacés et erronés, qui font de la laïcité un athéisme d’Etat et
donc une forme de religion.
L’interdiction de la jupe est tout à fait inédite en ce
qu’elle ne se fonde sur rien. Aucun texte ne légitime cette interdiction. Si un
texte la justifiait, nous aboutirions à des écoles où les élèves se vêtiraient
en fonction des velléités de leur proviseur.
La crise entre le triptyque école, laïcité et religions
voyait déjà le jour avec le débat des menus de substitution. On faisait déjà
valoir, avec à l’appui de notre argumentaire les développements juridiques de
Stéphane Papi, qu’il s’agissait d’une mesure que les collectivités locales
étaient libres d’organiser et que l’insertion des menus de substitution
dépendait très largement de la commune et de l’électorat. Reste qu’il convient
désormais d’être plus mesuré et de ne pas faire de la laïcité une mesure
d’interdiction «fourre-tout», de sorte qu’elle en perde toute son élégance et
son charme originel.
Comme conséquence logique, nous aboutirions à l’exacerbation
des sentiments des musulmans de France, qui se sentiront particulièrement
discriminés. N’oublions pas que la liberté individuelle demeure toujours l’un
des principes fondateurs de notre République laïque.
Mehdi Thomas ALLAL
Rresponsable du pôle anti-discriminations
de la fondation Terra Nova
Délégué général de la Gauche forte et Asif ARIF
avocat
Source : Libération
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