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(1) Pourquoi lire les philosophes arabes. L'héritage oublié. Introduction

Comment et pourquoi lire les philosophes arabes aujourd’hui avec les références qui sont les nôtres, en matière de droits de l’homme et de valeurs partagées ?
Cet ouvrage se propose de montrer que la philosophie arabe, telle qu’elle s’est illustrée entre le XIIIe et le XVe siècle, fait partie intégrante de l’histoire intellectuelle de l’humanité. La réussite de la transmission de la philosophie arabe au monde européen est attestée par son anonymisation même : on utilise aujourd’hui des arguments de la philosophie médiévale arabe sans savoir qu’ils ont été forgés quelques dizaines de siècles auparavant dans un monde qui s’étendait de Cordoue à Bagdad ( plusieurs ouvrages présentent le détail de cette transmission attestée de la philosophie arabe à l'Occident latin ... L'ouvrage Les Grecs, les Arabes et nous, Fayard, 2009, restitue la mesure de cet apport arabe à l'Occident). On peut prendre à titre d’exemple la distinction entre l’essence et l’existence  qui court dans toute la philosophie classique du XVIIe et du XVIIIe siècle et qui fut thématisée par le philosophe du XIe siècle, Avicenne, lisant la métaphysique d’Aristote.


La philosophie arabe, comme la philosophie chinoise et comme bien d’autres, est l’une des voies d’accès à l’histoire de la vérité que l’humanité a en partage. Qu’il y ait des accès différents à une même histoire ne signifie pas qu’il y a entre eux une incommensurabilité. Comparer les cultures sans « les égaler » comme aurait dit Montaigne, ne consiste pas à les réduire les unes aux autres bien sûr, mais nous communiquons entre nous et nous vivons de la parole partagée, celle-ci étant « moitié à qui la dit, moitié à qui la reçoit », selon la formule de Montaigne encore.

La philosophie en langue arabe a connu au Moyen âge un développement sans précédent. Je dis « en langue arabe », et non pas simplement arabe car de nombreux philosophes étaient en fait originaires de la Perse, comme Avicenne, ou Al-Râzi, ou de l’Asie centrale, comme Al-Farabi, par exemple. On peut dire avec le médiéviste Jean Jolivet que « la philosophie naît deux fois en islam : sous la forme d’abord d’une théologie originale, le kalâm ; sous celle ensuite d’un courant philosophique qui s’alimente pour une grande part aux sources grecques » (J. Jolivet, Philosophie médiévale arabe et latine, Vrin, 1995, p. 407). Ce dernier courant est appelé en arabe falsafa, transcription en arabe du terme grec philosophia ; il a été mis en pratique par un bon nombre de philosophes que l’Occident a ensuite connus par le biais de traductions latines médiévales, et que la scolastique a largement discutées. Leurs noms restent d’ailleurs connus par ce passage à la latinité : Avicenne (pour Ibn Sînâ, Persan), Averroès (pour Ibn Rushd, Arabe andalou).

Cette deuxième naissance est d’autant plus remarquable que la philosophie, issue des sources grecques, n’a pas cherché la protection de la théologie. Elle s’est même constituée de façon explicite comme une philosophie héritière de la tradition païenne grecque, mais elle a cherché sa justification dans ce qu’il est convenu d’appeler « la loi divine », charia : distinction est donc faite entre la théologie et la religion. Si les philosophes cités recourent régulièrement dans leurs écrits aux versets coraniques, ils prennent très vite leur distance avec les constructions théologiques, à l’exception de quelques-uns comme Al-Ghazâlî qui au début du XIIe siècle préféra, au contraire, prendre une distance avec l’héritage grec au profit de la théorie musulmane.

Constituée comme une parole argumentée et non comme une parole inspirée, la philosophie arabe a recherché, chez Aristote notamment, les moyens de valider ses raisons philosophiques. Comment s’y est-elle prise ? Comment a-t-elle construit un accès à la vérité ? L’Andalou Averroès en témoigne au début de son Discours décisif : la source de la pensée est l’intellect. Avoir accès à la vérité, c’est utiliser le raisonnement aristotélicien, le syllogisme, nous dit-il : « puisqu’il est bien établi que la loi divine fait une obligation d’appliquer à la réflexion sur l’univers la spéculation rationnelle, comme la réflexion consiste uniquement à tirer l’inconnu du connu, à l’en faire sortir, et que cela est le syllogisme, ou se fait par le syllogisme, c’est pour nous une obligation de nous appliquer à la spéculation sur l’univers par le syllogisme théorique » (Averroès, Discours décisif, trad. Fr. Léon Gautier, Sindbad, 1988, p. 13)

Par ce type de raisonnement, la philosophie se fait interprète des textes révélés d’où elle tire sa légitimité en invoquant certains versets. Léo Strauss, parmi nos contemporains, a attiré l’attention sur cette singularité de la philosophie arabe et juive qui situe toujours la vérité au regard du tribunal de la loi divine : « pour le juif et le musulman, la religion n’est pas, comme c’est le cas pour le chrétien, avant tout une foi formulée dans des dogmes, mais une loi, un code d’origine divine. Aussi la science religieuse, la sacra doctrina, n’est pas la théologie dogmatique, theologia revelata, mais la science de la loi, halaka ou fiqh. »

Aussi va-t-on assister à un double effort de conciliation : d'une part une conciliation de la loi divine avec les philosophies païennes de Platon et d'Aristote, d'autre part une conciliation de ces philosophies païennes entre elles et cela aussi bien chez un philosophe musulman comme Averroès, que chez un philosophe juif comme Maïmonide, les deux ayant écrit en arabe. La vérité ne saurait être multiple, ce sont les accès à la vérité qui le sont. Les philosophes arabes, durant quatre siècles, d'Al Kindi au IXe siècle, à Averroès au XIIe siècle, seront animés par le souci de rendre les vérités des auteurs de l'Antiquité cohérentes entre elles, parachevant par là l'effort d'osmose entre Platon et Aristote que nous trouvons dans maints passages des Ennéades de Plotin.

La devise d'Averroès, au XIIe siècle sera celle-ci : on ne peut seul disposer de toute la vérité. C'est la suite des générations et la continuité avérée entre différentes cultures qui en donnent une image : « c’est un devoir pour nous, au cas où nous trouverions chez nos prédécesseurs parmi les peuples d’autrefois, une théorie réfléchie de l’univers, conforme aux conditions qu’exige la démonstration, d’examiner ce qu’ils ont affirmé dans leurs livres » (Averroès, Discours décisif, p. 17) Cette idée d’un vrai processuel à travers les générations et les cultures avait déjà été exprimé avec force par Al-Kindî.

Ali BENMAKHLOUF




Introduction (2) : à suivre

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